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Synthèse par échantillonnage

La synthèse par échantillonnage utilise des sons préalablement enregistrés et stockés en mémoire. Au fur et à mesure que le coût d’acquisition de la mémoire pour stocker les échantillons a diminué, cette technique s’est imposée pour reproduire les instruments mécaniques. Par exemple, les séquenceurs boîte à rythme TR-808 et ligne de basse TB-303 de la compagnie Roland produisent des sons d’origine purement électronique. TR signifie transistor rhythm et TB transistor bass. Cette gamme de produits a été commercialisée au début des années 80. Le manuel de ces machines cible clairement les musiciens rocks afin qu’ils puissent programmer un accompagnement et répéter seuls ou créer des maquettes. Toutefois, le public cible n’a pas plébiscité ces machines à cause de l’imitation des timbres peu vraisemblable. Les musiciens les plus aisés financièrement ont préféré utiliser la boite à rythme Linn LM-1 qui embarque des enregistrements sonores numériques comme le groupe Genesis pour réaliser la chanson Mama.

La production des TR et TB a par conséquent été stoppée au milieu des années 1980… Cependant, des musiciens disposant de peu de revenu ont acquis ces machines sur le marché de l’occasion et avec elles, ils ont fait émerger ou consolider les musiques de hip-hop, de house, de techno et notamment l’acid house caractérisé par les sonorités singulières de la TB-303. L’engouement du public pour ces nouvelles musiques a eu pour conséquence d’augmenter le prix de ces machines et elles ont atteint des sommes exorbitantes durant les années 1990. À ce moment, ces machines sont devenues des instruments de référence et cela jusqu’à nos jours.

Après cette digression sur la lutherie électronique, revenons à la synthèse par échantillonnage. Les algorithmes de transposition transforment radicalement le timbre lors d’une trop grande transposition. Pour conserver un timbre homogène, il est nécessaire d’utiliser un grand nombre d’échantillons pour reproduire la tessiture complète d’un instrument. Il en est de même pour les différentes nuances et modes de jeu. Parfois, des phrases ou des articulations complètes sont enregistrées. Pour synthétiser un instrument mécanique, les différents échantillons sont regroupés dans une banque de sons et l’espace mémoire occupé par celle-ci est donc en rapport avec son taux de versatilité et de subtilité.

Cependant, Julius O. Smith fait le même reproche à la synthèse par échantillonnage que Jean-Claude Risset à propos des restrictions de contrôle du matériau musical dans la musique concrète par rapport aux possibilités qu’offre la synthèse sonore en général.

Schématiquement, la musique concrète fait de tout son enregistré un matériau musical potentiel ; elle fournit ainsi une variété immense de sons naturels complexes, aux morphologies diverses et à l’identité robuste ; mais les modalités de transformation de ces sons restent rudimentaires en regard de leur richesse, aussi risque-t-on de privilégier les effets sonores et l’esthétique du collage.

Pour Julius O. Smith, l’usage de la synthèse par échantillonnage implique un « manque de "règles de prosodie" en matière de phrasé musical » au profit d’une « esthétique du collage ». Avec cette technique, les résultats sonores sont souvent rigides, stéréotypés et peu convaincants. Néanmoins, la prégnance de l’usage de l’informatique dans la création musicale et notamment dans les musiques populaires nous a depuis les critiques émises par Julius O. Smith accoutumés à ce type de sonorité. De plus, les échantillonneurs et banques de sons modernes offrent le moyen d’interpoler les échantillons de différentes amplitudes. Cette capacité permet de jouer des crescendos réalistes ou de varier le timbre d’une note tenue. De fait, dans le cadre d’une création à budget réduit et dont la production désire absolument une musique à base de timbres instrumentaux traditionnels, les éléments d’accompagnement de second plan sont réalisés avec cette technique de synthèse, mais les éléments expressifs du discours musical de premier plan sont généralement exécutés par des musiciens. De plus, cette technique est fort utile pédagogiquement pour mettre en son par exemple des exercices d’arrangement ou pour présenter une maquette à l’attention d’un commanditaire.

La synthèse granulaire et concaténative entrent dans la catégorie de synthèse par échantillonnage, mais elles permettent d’obtenir des sonorités abstraites musicalement convaincantes. Je développe leur principe dans les deux prochaines pages.

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