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Synthèse additive

La synthèse additive consiste à superposer des signaux simples afin de produire un signal complexe. En effet, le théorème de Fourier indique que les sons périodiques complexes sont reproductibles en additionnant des signaux sinusoïdaux. Pour ce faire, on spécifie une fréquence, une amplitude et une durée à chaque partiel avant de les additionner. Par conséquent, cette technique permet de modéliser précisément un spectre. Cependant, elle pose deux problèmes majeurs.

Les sons produits par les instruments mécaniques sont composés de partiels harmoniques, inharmoniques et de bruit. Pour reproduire synthétiquement de tels timbres, il est nécessaire d’utiliser des dizaines d’oscillateurs, de générateurs de bruits et d’enveloppes. Cette profusion de composantes élémentaires demande énormément de puissance de calcul lors de sa mise en œuvre et ce premier problème est toujours d’actualité, notamment dans un contexte temps réel. Effectivement, quelques modélisations précises jouées simultanément suffisent à saturer un ordinateur actuel. Le second problème de cette technique et corollaire du premier concerne la masse des paramètres de contrôle à traiter. La spécification de tous les paramètres rend cette technique difficile et longue à mettre en œuvre.

Quatre méthodes additionnelles ont permis de contourner ce second problème. Elles sont basées sur la génération automatique des paramètres et elles peuvent être employées dans un contexte de design sonore en temps différé.

La première méthode consiste à générer les paramètres à l’aide de suites numériques. Par exemple, la suite de Fibonacci est appréciée en musique, car elle est basée sur le nombre d’or. Le fondement de cette suite est en relation avec la tradition musicale notamment dans l’œuvre de Béla Bartók.

La deuxième méthode réside dans l’utilisation d’algorithmes pseudo-aléatoires pour générer les paramètres comme la méthode Monte-Carlo. Ces types d’algorithme sont utilisés abondamment dans l’œuvre de Iannis Xenakis.

La troisième méthode consiste à sonifier des données issues d’un modèle quelconque. Par exemple, Pithoprakta (1955–56) de Iannis Xenakis est conçu à partir du mouvement brownien qui décrit le mouvement de particules dans un fluide.

La dernière méthode est basée sur l’analyse préalable d’un échantillon sonore. Les données récoltées sont utilisées telles quelles ou transformées afin de les appliquer aux paramètres d’une synthèse additive. Pour ce faire, il existe des logiciels avec des interfaces graphiques comme SPEAR ou de plus bas niveau, et utilisables en ligne de commande ou implantés dans des environnements dédiés à la création musicale comme les outils ATS.

Toutefois, les pionniers de l’informatique musicale ont abondamment utilisé cette technique de synthèse comme Jean-Claude Risset à partir des années 1960. Pour structurer l’agencement spectral de ses sons de synthèse, il a utilisé l’harmonie tonale comme modèle. Dans l’exemple que je vais traiter, je m’inspire d’un synthétiseur qu’il a développé et pour concevoir un son de cloche, il a utilisé la structure d’un accord mineur.

Dans le cadre d’un environnement dédié à la programmation et pour réaliser une structure spectrale se basant sur le modèle d’une triade de deuxième espèce avec le doublement de la fondamentale à l’octave supérieure, les facteurs de multiplication à appliquer à une fréquence sont : 1 ; 1,2 ; 1,5 ; 2. Cependant, Risset désaccorde ces facteurs pour obtenir un spectre inharmonique et il ajoute des partiels de battements afin de rendre le son synthétisé instable, mais musicalement plus intéressant. Pour ce faire, il utilise la série suivante de facteurs : 0,56 ; 0,561 ; 0,92 ; 0,925 ; 1,19 ; 1,7 ; 2 ; 2,74 ; 3 ; 3,76 ; 4,07. Les spectres générés à partir de cette dernière série de facteurs ne possèdent pas de fréquence fondamentale, mais elle est suggérée par les harmoniques de rang deux et trois.

En outre, Jean-Claude Risset attribue des durées aux partiels qui décroissent progressivement par rapport à leur rang dans la série des facteurs (la série de facteurs pour déterminer les durées des partiels : 1 ; 0.9 ; 0,65 ; 0,55 ; 0,325 ; 0,35 ; 0,25 ; 0,2 ; 0,15 ; 0,1 ; 0,075). La valeur maximale des amplitudes des partiels est déterminée par Risset (la série de facteurs pour déterminer les amplitudes maximales des partiels : 1 ; 0,67 ; 1 ; 1,8 ; 2,67 ; 1,67 ; 1,46 ; 1,33 ; 1,33 ; 1 ; 1,33) et le déroulement temporel des amplitudes est contrôlé par des générateurs d’enveloppes qui reproduisent le profil dynamique d’un instrument percussif.

Pour expliciter le fonctionnement de ce synthétiseur, calculons la valeur des paramètres du premier partiel. Lorsque le musicien déclenche une note, il transmet une fréquence et une amplitude. Si la note a pour fréquence 440 Hz, une amplitude de 0,5 et que la durée du son est paramétrée sur le synthétiseur à 5 secondes, alors la fréquence du premier partiel est égale à 440 × 0,56, l’amplitude du premier partiel est égale à 0,5 × 1, et la durée en seconde du premier partiel est égale à 5 × 1. Ces trois valeurs sont appliquées à un oscillateur de forme sinusoïdale et à un générateur d’enveloppe. La multiplication de ces deux signaux produit un signal sinusoïdal dont l’amplitude varie dans le temps.

Ce principe est appliqué pour générer onze partiels et ces onze signaux sinusoïdaux sont additionnés pour produire le son de ce synthétiseur. Pour apprécier à sa juste valeur ce son, il convient par conséquent d’entendre la progression des partiels dans le temps, caractérisée par la décroissance de la densité spectrale du son et des battements entre le premier et le deuxième partiel et entre le troisième et le quatrième partiel.

Sa consommation en ressource et la difficulté de son paramétrage surtout dans un contexte temps réel impliquent que la synthèse additive est rarement utilisée en lutherie électronique à la différence d’autres techniques de synthèse et notamment la synthèse par modulation de fréquence que j'aborde dans la prochaine section.

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